Cette année, j’ai décidé de partir à l’aventure en remontant la rivière Sun Koshi (au Népal) sur 170 km, en autonomie et en solitaire dans un coins où il n’y a quasiment personne et pas vraiment de chemin.
Sommaire
- 1 Sommaire
- 2 Préparation de mon trek au Népal
- 3 Mon équipement
- 4 Mes 10 jours en autonomie
- 4.1 Jour 1 - Arrivé à Katmandou
- 4.2 Jour 2 - Le départ
- 4.3 Jour 3 - Première grosse erreur
- 4.4 Jour 4 - Accueilli à Golanjor
- 4.5 Jour 5 - L'homme et le robinet
- 4.6 Jour 6 - Sauvé par un camion qui fuit
- 4.7 Jour 7 - La traversée des champs
- 4.8 Jour 8 - Je quitte le Sun Koshi
- 4.9 Jour 9 - Retour à Nepalthok
- 4.10 Jour 10 - Les canaux du district de Sindhuli
- 4.11 Jour 11 - Fin de mon aventure
- 5 Conclusion
Préparation de mon trek au Népal
La préparation de ce voyage a été un moment assez cool, excitant et surtout nouveau pour moi. C’est la première fois que je préparais un voyage dans une zone inconnue et où il n’y a pas d’antécédents, ni de témoignages, ni de chemins répertoriés.
Pourquoi le Sun Koshi ?
En 2023, en descendant en Jeep du Trek des 3 cols, je suis passé au loin du Sun Koshi et de ses paysages magnifiques. Je me suis dit qu’il pourrait être intéressant de remonter cette rivière sur la rive la plus sauvage.
Préparation du tracé
À Katmandou, en 2023, j’ai tenté de trouver une carte du secteur que je voulais explorer. On m’a dit qu’il n ‘y en avait pas, car il n’y a rien là-bas… autant dire que ça m’a motivé encore plus !
J’ai donc utilisé Google Maps pour visualiser les endroits où je pourrais passer, les sentiers d’animaux que je pourrais emprunter, les zones « plates » où je pourrais planter ma tente… ça c’était sur le papier…
Me voilà donc à tracer des lignes, mettre des points, supposer des temps de trajets, me dire « tient, ici je pourrais dormir et là manger ». Je me faisais déjà le voyage dans ma tête.
Difficile d’estimer la complexité du terrain, le dénivelé… J’essaie de prévoir 6 à 7km le matin et 10 km l’après-midi. En fonction de la difficulté du terrain je mettrais peut être plus de temps voir moins…
Plus je fais le tracé, plus l’adrénaline et l’inquiétude monte… Des fois… je ne vois même pas par où faire passer le trait… donc je trace à travers les arbres en me disant « on verra bien sur place ! ».
Mon équipement
Une fois le tracé et le nombre de jours estimé, en vient la recherche d’équipement. Je n’ai jamais fait ça, donc je tâtonne un peu, je discute, je me renseigne… il va me falloir gérer la nourriture, l’eau, l’électricité et la communication.
Alimentation
Pour la nourriture, pas le choix, il me faut du lyophilisé.
J’ai déjà essayé de me balader avec du riz et des légumes pendant 3 jours au Canada sur le Juan de Fuca Trail… c’était pas simple. Donc option impossible sur 10 jours sans ravitaillement.
Je test donc avant de partir au Népal, les marques Trek Eat, Voyager et Forclaz. Après comparatif de poids, prix et encombrement, je pars sur 50% Voyager, 40% Forclaz et 10% Trek Eat.
Je ferais un article spécifique sur le lyophilisé, mais Forclaz est meilleur en goût par contre moins de choix que Voyager.
Je me fais un tableau pour entrer à chaque repas le nombre de calories absorbées et le poids gagné par sachet utilisé et donc le poids en moins dans le sac (pour le côté psychologique).
Pour le calcul de calories journalières, il y a un calcul qui existe et qui donne :
13,707 x poids (en kg) + 492,3 x taille (en m) – 6,673 x âge (en année) + 77
Il faut ensuite multiplier par un coefficient dépendant de votre activité physique (en voyage : modéré = 1,55 , sports intenses 1,73 , sport très intense = 1,9).
J’avais donc un besoin estimé de 2600 Kcal / jour.
Il n’y a pas un jour où j’ai mangé pour autant de calories que mon besoin, mais je me sentais rarement en manque. Généralement, on ne ressent pas directement le manque de calorie, mais ça se ressent sur nos efforts, notre souffle, notre récupération…
La Calculatrice Harris Benedict
Il y a un calculateur qui est pas mal : la calculatrice de Harris Benedict
Je pars donc avec 5kg de sachets lyophilisés, ce qui représente les trois quarts de mon sac. J’ai 12 petits dej et 32 repas (j’ai pris large en cas de grosses faims ou de retard dans mon programme).
Je complète avec des cacahuètes (le rapport calories / poids / encombrement est très intéressant), un saucisson et des barres de céréales (Feed, Décathlon et Ovomatine).
L'eau
Pour l’eau, j’ai hésité avec une gourde filtrante ou un stérilisateur UV (Steripen). Et des nombreux tests que je lisais, les gourdes fuient pas mal visiblement… donc j’ai opté pour un Steripen 1L.
Pratique car ça stérilise en 90 secondes 1L dans n’importe quel contenant. Donc si on perd sa gourde, ça fonctionne avec une bouteille par exemple.
Il m’arrivait de filtrer 2 fois quand j’avais un doute sur l’eau.
L'électricité
Avec une dizaine de jours dans la nature et ayant pris un appareil photo, Gopro, drone et téléphone… il me faut un moyen de recharger tout ça.
Partir uniquement avec plein de batterie externe n’est pas l’idéal, car en cas de décharge plus rapide que prévu, on est coincé sans pouvoir recharger. Il me fallait donc une option plus autonome.
J’ai donc opté pour un panneau solaire BigBlue 28w à 4 panneaux (60€), couplé à une batterie externe Nitecore (120€) + 2 autres classiques. Très efficace.
le BigBlue ne stock pas la charge. On doit charger en direct, le panneau ouvert en direction du soleil. Toujours charger la batterie externe qui, elle, rechargera l’appareil (sinon ça peut abîmer l’appareil).
Communication
Ne sachant pas si je capterais et combien de temps, je suis parti avec un téléphone satellite. Pas simple de comprendre et choisir son téléphone satellite. Je suis parti sur un Iridium, c’est le réseau qui avait la meilleure couverture au Népal.
J’ai tout de même pris une carte Sim Népalaise au cas où (il est facile d’acheter une carte SIM ici). Il se trouve que la montagne est relativement bien équipée d’antennes (le Népal s’applique à connecter les locaux entre eux) et, même si le signal était faible, je me suis retrouvé que 2 ou 3 jours sans réseau.
J’ai donc un téléphone satellite, un téléphone avec une carte SIM népalaise et un téléphone avec une carte SIM française.
Vêtements
Pour les vêtements, ça n’a pas été simple de se préparer, car je ne savais pas comment allaient être les nuits, ni si j’allais passer 10 jours sous la pluie…
En bas
– Chaussette de marche
– Short de bain (sachant que je n’en ai pas eu pas besoin finalement, car il n’y avait personne…)
– Short
– Sous pantalon Forclaz
– Pantalon hybride (ceux qui se transforment en short, très pratique !)
En haut
– Tee-shirt technique et tee-shirt en coton (pour Katmandou)
– Sous pull Uniqlo à manque longue.
– Veste Kalenji à capuche que je ponce depuis des années en voyage : pratique car pas très lourde, à zip donc permet de gérer sa chaleur corporelle.
– Doudoune millet (petite et efficace)
– Poncho Forclaz pour la pluie
Pour les chaussures, je n’aime pas les grosses chaussures montagnardes. Je préfère avoir le pied plus libre, ça me permet de sauter sur les rochers ou me rééquilibrer plus vite. Donc je prends des chaussures de trail (des Evadict).
J’ai pris un sac compressible pour gagner en place. Très pratique pour ce cas où j’avais besoin de réduire la place des vêtements sachant que la nourriture prenait les 3/4 de la place…
Matériel
En matériel, pareil, il faut du léger et du petit. Et dans le monde de la rando, ça veut dire “cher”… Je pars donc pour :
– Une tente FORCLAZ MT900 2 places, très pratique en solo car je peux mettre mon sac à l’intérieur.
– Matelas de sol Thermarest Néoair Xlite Nxt (R Value 4.5)
– Duvet 0° (j’aurais pu prendre un 10° mais je ne connaissais pas la fraîcheur des nuits la bas).
– Réchaud + gaz. j’ai pas opté pour un système Jetboil car trop encombrant pour ce trek. Même s’il permet une ébullition plus rapide et donc économie de gaz et donc gain de place en prenant moins de bonbonne, je n’en avais jamais utilisé donc j’ai joué la sécurité.
– Tasse Quechua MH150. Basique, on s’ébouillante les doigts, mais elle est graduée, donc pratique pour la mesure d’eau pour le lyophilisé.
– Couteau multifonctions Leatherman, Gourde 1L, corde, machette (lame Kukri), mousquetons, lampe de poche, etc.
Je prends aussi toujours cinq ou six Serflex au cas où il faut réparer un truc, mon sac ou autre…
Le poids
Le poids a été un terrible sujet… quand on part avec sa nourriture, sa tente et tout le barda, ça commence à grimper assez vite !
Je me suis fait un tableau avec tout mon matériel et le poids qu’il fait. Ça me permet de sélectionner ce que je prends et ne prend pas et ça me calcul le poids total automatiquement.
Je comptais partir avec 25 kg, ce qui est déjà un bon gros poids… et au final, à l’aéroport c’est pesé à 28kg…
J’ai environ 6 kg de nourriture, 6 kg de vêtements, 6 kg de matériel numérique (dont 1kg de panneau solaire), et 7 kg de matériel divers (sac, duvet, outils, etc.). Le reste se compose de pharmacie, chaussure, machette, etc. puis on ajoute à ça 2L d’eau par jour.
La conséquence d’autant de poids : mal au pieds, mal au dos, usure très rapide du sac (une journée de plus et il se déchirait en deux).
Je marcherais avec 25 kg derrière et un petit sac de 5 kg devant.
Mes 10 jours en autonomie
Jour 1 - Arrivé à Katmandou
J’atterris le 13 mars 2024 à 16h et je me suis fixé dans l’objectif d’acheter une carte SIM, de trouver une jeep et d’acheter des bonbonnes de gaz avant ce soir. Ce qui me permettrait de partir demain matin à la première heure (si je trouve une Jeep).
Dans l’aéroport, j’achète une carte SIM en 5mn avec un forfait data pour 28 jours. Dans Thamel je chope 2 bonbonnes de gaz 230 ml (une aurait suffit) puis je pars chercher la Jeep.
Je me rends au gros point de rassemblement des bus / jeep pour l’Est du Népal : Chabahil Chok (ce sont les mêmes qui emmènent à Saleri pour ceux qui montent au camp de base de l’Everest ou faire le trek des 3 cols pour éviter l’avion pour Lukla).
Je demande à des passants, jusqu’à ce qu’un type m’emmène à un mini comptoir de vente, large d’un mètre pas plus… j’achète un billet à 1500 Rs (10€) avec un départ demain à 4h30 !
Je prends un hôtel juste à côté, ça m’évitera de devoir trouver un taxi à 4h du mat…
Jour 2 - Le départ
Malgré le fait que 2 ou 3 pigeons aient décidé de repeupler le Népal en une nuit, le réveil à 3h30 se fait facilement (l’adrénaline !).
La fille de l’hôtel m’a assurée qu’elle sera réveillée à 4h pour m’ouvrir la porte de l’hôtel (pas de code) et le portail fermé à clé. Evidemment… elle n’est pas là… je l’appelle et lui envoie des textos (ce qu’elle m’a dit de faire au cas où)… rien. Ça commence bien…
Je farfouille dans le bureau à la recherche d’une clé, j’essaie de voir comment sortir du bâtiment… je finis par passer par les cuisines restées ouvertes avec un accès sur l’extérieur.
Reste le portail… il est bien trop haut et j’ai tout de même 30 kg sur le dos. Je finis par trouver une chaise, grimper dessus, escalader tant bien que mal… mais ça bloque, mon sac est pris dans un truc… je regarde… je suis coincé dans les fils électriques du poteau d’à côté… je vais finir grillé avant même de commencer !
Bref… j’ai fini par rejoindre le spot pour la Jeep… le mec n’est pas là. Après quelques minutes j’appelle, pas de réponse. J’insiste, un mec à moitié réveillé me répond, moitié en anglais, moitié en népalais… il me dit qu’il est là dans 10 mn, puis 30… je commence à voir pour prendre un bus et finalement après 1h, il arrive…
S’enchaîne 7h de jeep vers Ghurmi, mon point de départ. La sortie de Katmandou se fait difficilement car il y a beaucoup de travaux qui ralentissent énormément la circulation.
J’arrive à Ghurmi à 13h, au niveau d’une sorte d’épicerie (le genre de petite cabane qui vend de l’eau, des chips et des bonbons). Je prépare mon barda, crème solaire (ça cogne fort), j’ajuste tout et je me lance.
Autant dire que l’excitation est au maximum, je vois les 3 clients de l’épicerie qui me regardent bizarrement repartir dans le sens opposé de là où je viens. Je remonte vers Katmandou ! C’est parti !
Ramechhap
L’idée est de remonter la rivière Sun Koshi puis la rivière Rosi Khola vers Katmandou. Je m’arrêterais sûrement un peu avant car la route menant à Katmandou est pleine de voitures et de plus en plus de grosses villes pas très intéressantes.
Il fait 30°, je traverse le pont suspendu qui m’emmène sur l’autre rive, le district de Ramchhap et je ne vais pas tarder à payer mon déjeuner pas encore pris, 7h de jeep, le peu de soleil, le poids du sac et la chaleur…
Après 1h de marche dans une sorte de sable, je suis déjà épuisé… il fait une chaleur de dingue, le soleil tape et aucune ombre (ce qui sera mon principal problème durant toute l’aventure).
Je m’assois sur un rocher et là, je me dis que le poids de mon sac va être un très gros problème… gros doute sur la suite… je suis déjà épuisé. L’idée de faire demi tour n’est évidemment pas imaginable.
Au final, c’est aussi ce genre de situation et sensation que je suis venu chercher. Car jusqu’à maintenant, dans mes différents voyages, je me suis rarement mis sciemment dans une telle difficulté.
Je vais manger, boire de l’eau, me trouver de l’ombre, reprendre mon souffle puis on verra.
Nouveau départ
Je m’assoie à l’ombre d’une petite ferme, je commence à préparer ma tambouille quand un type, 70 ans passé je dirais et son fils s’assoient à côté de moi, me regardent et on échange quelques mots.
Ils m’invitent chez eux, au “frais”, soit juste 25° au lieu de 30° mais ça fait du bien. Je mange un de mes sachets, ils m’offrent une sorte de yaourt et des bananes. Je me débarrasse de quasi 1kg de nourriture que j’avais pris en plus “en cas de manque”, en leur expliquant comment redonner vie à du Lyophiliser. Ca parait bête, mais psychologiquement, ça aide de se dire que le sac sera moins lourd.
Après cette heure de pause, je reprends la route. Je vise un spot pour la nuit à 8 km de là. Les calories prises font du bien, mon deuxième souffle me fait avaler les kilomètres sans problème. Le sac ne fait pas trop mal. Je me sens beaucoup mieux et les doutes ont disparu. Ouf !
Je longe la rivière, je croise des enclos à bestiaux (vache et chèvre) et je plante ma tente à un endroit que je voulais éviter… inattention… je suis allé trop loin car après je sais que le passage sur cette rive est bouché. Pas grave, j’ai 30mn dans l’autre sens à faire demain matin.
Première nuit difficile
Dans cette partie du Népal, la nuit tombe à 18h et le jour à 6h du matin.
L’idée est donc de trouver un spot plat à 17h pour planter la tente, se laver dans la rivière Sun Koshi, préparer le matelas, duvet, etc. avant la nuit.
Je la plante à quelques mètres de l’eau, le coin est tranquille et il fait bon. Je prépare mon repas, et file au lit pour faire une longue nuit de repos.
19h, me voilà allongé, à repenser à ma journée et à celle qui vient… parfait… il ne me reste plus que 10h30 de nuit… je me rends compte que ça va être long !
Il y a des bruits d’animaux que je ne connais pas. Un oiseau qui fait un bruit de cochon-mouton qu’on égorge… pas très rassurant et surtout… un arbre, là bas, ayant des feuilles qui quand elles fanent, sont assez dures et en tombant font du bruit. J’ai donc constamment l’impression que quelqu’un ou quelque chose se balade autour de la tente.
Je finis par m’endormir et je me réveille (pensant avoir fait une nuit entière)… à minuit ! Encore 5h !! J’en profite pour manger une banane et une barre de céréales parce que j’ai faim. J’ai mangé il y a 6h !
Je me réveille à 5h, histoire de partir avec le lever de soleil. En 1h, le petit-déjeuner est avalé, la tente rangée et hop, on est reparti… dans l’autre sens.
Jour 3 - Première grosse erreur
Le lever de soleil est plutôt agréable pour commencer cette journée. Il fait doux, c’est super.
Après 45mn, je récupère le pont pour passer de l’autre côté et faire les 3km jusqu’au prochain pont.
Le prochain pont, m’emmène à un endroit assez symbolique, car c’est celui qui m’a donné envie de faire ce trek.
Je suis passé au loin en 2023 et je me suis dit que la vallée était vraiment magnifique et qu’il y avait sûrement un truc sympa à y faire.
Me voilà donc devant cette ferme que j’avais aperçu l’année dernière, cultivant maïs et banane.
Je reprends la route et m’arrête pour manger au bord de la route, à côté d’une de ces petites échoppes (sorte d’épicerie) qui vendent des chips, eau, bassine… un peu de tout, en bord de route.
Les quelques locaux sont très intéressés par ma façon de manger. Ils ne comprennent pas comment j’arrive à faire des pâtes au saumon avec de la poudre d’on ne sait quoi. Ils sont fascinés aussi par les panneaux solaires. On discute, je fais la démo des objets. J’ai l’impression d’être un vendeur à la foire de Paris.
Je peux enfin repasser sur l’autre rive pour, dans 5h, planter ma tente à nouveau. J’ai le choix entre longer la plage sans être sûr de pouvoir passer au bout, ou grimper sur un petit village et redescendre de l’autre côté.
J’opte pour le village. Super mauvais choix ! Bravo le veau ! Ça grimpe sévèrement et la descente à travers les buissons est chaotique… j’arrive enfin en bas au milieu des vaches et des chèvres.
Je marche sur une plaine complètement plate et immense, assez impressionnante surtout avec les lumières de fin de journée.
Je continue de longer la rivière en passant par des rochers pas pratiques et je tombe sur un énorme rocher de 10m de haut, qui plonge directement dans l’eau… le chemin s’arrête là ?! J’escalade pour voir si je ne pourrai pas passer, mais l’autre côté semble périlleux et je voudrais éviter de me casser une jambe le 2e jour !
Pas le choix, je vais devoir faire demi tour… et ce coup-ci, c’est 5h de marche que j’ai perdu…
Je suis dépité et très fatigué… je reviens sur un endroit où il y a 2 fermes, complètement perdues à des heures de marche. L’endroit est magnifique, donc je m’arrête là pour la nuit, dans un champ à bœuf, le soleil commence à tomber.
Un peu d’eau sucrée et une barre feed me remettent sur pied, car je sens que niveau force, y’a plus de jus…
Il y a une famille dans la ferme à côté, qui vient ici grâce à des grosses chambres à air et des rames bricolées. Ils restent là plusieurs jours afin de s’occuper de leur ferme et plantation.
Heureusement que le spot est magnifique, parce que le moral vient d’en prendre un très gros coup !
J’avais entendu avant de partir, un aventurier qui disait, que l’être humain n’était naturellement pas prédisposé pour faire marche arrière.
Je ne capte aucun réseau, le téléphone satellite passe un peu, alors j’envoie un message à ma sœur, pour lui résumer ma journée et ma frustration. Je pense que c’est surtout un message à moi-même, que j’ai besoin de l’exprimer pour accepter la situation. Une fois fait, ça va mieux.
Je me dis que quitte à être coincé, autant l’être dans un super endroit, que ça fait partie du jeu. À partir de là, le moral revient, comme si j’avais passé le second niveau.
Avant de me coucher, je joue avec le gamin de la ferme à celui qui sautera le plus haut. On ne peut pas se parler, mais ça on comprend.
Sa mère est plus bavarde, mais elle me parle en Népali. J’ai beau lui dire que je ne comprends pas, ça n’a pas l’air de l’embêter, alors je la laisse continuer, ça a l’air de nous convenir à tous les deux.
Cette nuit, je tente une nouvelle technique pour dormir. Tente dressée à 18h, sieste de 19h à 20h puis je mange (ça sera purée au bœuf) et me couche à 22h30.
Le ciel est sans nuage, je vais dormir sous les étoiles…
Chaque soir, je revois mon tracé du lendemain qui a évolué, car je marche globalement plus que prévu. Je comprends surtout de mieux en mieux la typologie du terrain du coin.
Jour 4 - Accueilli à Golanjor
Réveil à 5h, le torrent du Sun Koshi gronde, le soleil ne va pas tarder à se lever. Petit-déjeuner, je fais chauffer l’eau, j’avale un muesli… pas ouf, mais bon.
Je rebrousse chemin, 2 hommes descendent la rivière sur leur grosse bouée pour aller pêcher loin en aval.
Je dois remonter vers le village d’hier et le passage que j’avais emprunté n’en étant pas un, je dois trouver un autre moyen. Le long de la rivière me semble compliqué, voir bouché, donc je zigzag dans les buissons jusqu’à arriver en haut… Je me rends compte ensuite que le passage au bord de l’eau était complètement possible.
Je trouve un pont pour passer sur l’autre rive et contourner l’obstacle d’hier soir.
Après quelques heures, je peux enfin repasser sur la bonne rive et après quelques kilomètres, ça se transforme en plage.
Je me retrouve avec les pieds trempés. J’ai fini dans l’eau pour récupérer mon drone avant qu’il ne fasse le plongeon… Je m’arrête donc sous un arbre Pipal. Ces grands arbres symboliques de la région, sous lesquels les anciens et les paysans viennent discuter et se reposer à l’ombre.
Cet arbre est gorgé d’oxygène, les locaux le respectent beaucoup. C’est un arbre qui permet de stopper les feux de montagne également, car il prend difficilement feu.
Pause déjeuner qui me permet de laisser sécher au soleil mes chaussures et chaussettes sur les pierres brûlantes et de soigner mes pieds qui ont décidé de se parer de jolies ampoules.
Sur la rive d’en face, il y a une crémation en cours. Le bûcher est sur pilotis et une cinquantaine de personnes sont rassemblées. Les restes calcinés du corps vont directement dans l’eau. Le Sun Koshi étant directement relié au Gange en Inde.
Depuis le début je stérilise une fois ma gourde quand je la remplie… à partir de maintenant ça sera 2 fois.
La suite du chemin va être assez complexe, le sentier ne doit plus être utilisé depuis des années. Il y a des éboulements et je dois sortir la machette, qui n’est pas d’une grande utilité, car les broussailles/branches mortes sont extrêmement dures.
Les blessures commencent à s’accumuler, il y a de sales arbustes avec d’énormes épines qui me lacèrent jambes et bras.
Après quelques minutes, je sors des broussailles sur la terrasse d’une ferme… où l’on me regarde comme un extraterrestre… je suis un peu surpris aussi. Tout le monde se regarde en silence, comme si on se demandait chacun ce que l’autre faisait là (ce qui était complètement le cas).
J’essaie maintenant de prendre de la hauteur quand je le peux, pour voir la rivière d’en haut. Les vues sont plus jolies. Je passe dans des micro villages, généralement pas plus de 4 ou 5 fermes, d’une pauvreté folle, avec la moitié des maisons écroulées.
Ça fait plusieurs heures que je n’ai pas d’ombre, la fin de journée est assez intense, je suis épuisé, j’ai hâte qu’elle se termine et que le soleil se couche (la température baisse vers 16h30). Mes pieds me font tellement souffrir et le dos prend cher aussi…
Il est 15h, j’ai envie de m’arrêter tôt. Je finis par trouver un petit village. Je pose mes sacs aux pieds d’un Pipal et là, un type super enthousiaste de me voir, avec un joli pull jaune, me parle, sans s’arrêter, alors que je n’ai qu’une envie c’est de m’allonger et dormir.
Le gérant de l’épicerie, qui s’avère être également le directeur de l’école du village, parle anglais et essaie de lui dire de me laisser respirer. Je peux difficilement lui en vouloir, mais j’avoue qu’un peu de calme me ferait du bien.
Je finis par reprendre mon souffle après 2h et demande l’autorisation de dormir sur un petit coin d’herbe devant un temple. Ce sera mon spot du soir.
Ce que je n’avais pas vu venir, c’est le nombre d’enfants au village… un premier, puis un deuxième… puis, avec les adultes, ça forme un groupe de 15 personnes… venues voir qui j’étais, comprendre ce qu’était une tente. Je suis leur attraction.
Je suis toujours au bout de ma vie et tout ce monde autour de moi est très oppressant. J’essaie de partager du saucisson avec un petit très agité, mais ça ne semble pas l’intéresser. Je n’aurais pas son calme avec ça…
En voyant l’état de mes pieds, le directeur de l’école mobilise 2 hommes pour me soigner. Je découvre une heure plus tard une recette miracle et toute bête : de l’eau bouillante avec du sel appliqué en tapotant sur les ampoules. On ne rince pas, ça agira durant la nuit pour sécher les ampoules (percées au préalable).
Je ne sais pas si ça fonctionne sans les percer. Sûrement un peu moins. Avec quelques ampoules à vif, forcément je jongle… mais je suis plus à ça près.
Sur la montagne en face, de gros feux sont en cours. Je suis inquiet car il y a des maisons là- bas… on m’explique que les arbres Pipal vont aider du fait de leur nombre suffisant sur les flancs de montagnes, mais ça va brûler quand même toute la nuit. C’est impressionnant !
Jour 5 - L'homme et le robinet
A 7h, quelqu’un vient me réveiller pour me dire… qu’il est 7h. J’avais rien demandé haha !
Étant sur le trajet de l’école, tous les enfants ne m’ayant pas vu hier, me disent bonjour, viennent me voir, me regardent petit déjeuner…
Je décide de ne pas reprendre la route ce matin, j’ai encore besoin de repos.
Le directeur me fait visiter l’école, me fait rencontrer les professeurs, les enfants. Je pars ensuite me balader vers les champs au fond du village. Je croise 2 singes… je ne savais pas qu’il y en avait dans la région ! Ceux sont les seuls que je verrais de tout le voyage.
Je mange chez la femme du directeur, qui me fait un bon Dhal. Je veux attendre la fin des cours pour remercier le directeur, donc j’attends jusqu’à 13h30.
J’en profite pour refaire mon sac de A à Z et jouer avec un gamin, Saline, tellement adorable ! Il m’apprend quelques mots de Népalais, on fait des grimaces et des photos !
Je reprends la route pour la montagne en face, là où ça brûle. Mais je ne devrais pas être embêté par les feux.
Le sentier est difficile, toujours aucune ombre et je finis par retourner au bord de l’eau, où je me retrouve coincé par une ligne de rocher n’offrant aucune possibilité de passer. Joueur et un peu inconscient, je décide d’escalader les rochers et d’avancer latéralement, les prises semblent plutôt bonnes.
Me voilà donc à 30 cm au-dessus de l’eau, mon sac qui me tire vers l’arrière et mes mains qui n’ont pas le droit à l’erreur… Si je tombe, je perds tout, avec la chance d’avoir mon sac qui m’entraine au fond…
Je finis sans encombre, mais avec quelques petites frayeurs quand même.
L’homme perdu et le robinet
Je me retrouve au niveau d’une ferme où mon plan semble donner 2 sentiers. Le souci, c’est qu’en prenant le sentier le moins pratique et je l’ai déjà expérimenté, on se retrouve à galérer 2 fois plus. Du coup j’analyse, je regarde et là, le fermier me voit.
Il va s’en découler (c’est le mot juste) le moment le plus sympa de mon aventure. Je vous explique.
Après quelques gestes et mots, il finit par comprendre que je cherche ma route et je lui demande si avant de partir, il a un endroit où je peux remplir ma gourde.
Il m’amène à un robinet qui fuit dans tous les sens (le gouvernement s’applique à apporter électricité et eau à tout habitant, même les plus reculé. Bon, après, les installations sont vétustes et ne marchent plus toujours).
Le robinet “ferme” ou disons fuit moins avec une lanière enroulée autour. Je remplis ma gourde d’eau, puis je lui montre mon couteau multifonction, en lui proposant d’essayer de réparer la fuite. Il me regarde, je le regarde, il me regarde… bref, j’essaie.
Le robinet arrête de fuir… il fait de grands yeux hallucinés. Il vient de voir débarquer de la plage un extraterrestre qui lui répare son robinet cassé depuis un bon moment et qui reprend la route comme il est venu.
Incroyable moment de partage. Lui de l’eau, moi de l’aide.
Une heure après cette drôle de rencontre, je me retrouve dans un endroit extrêmement reculé, avec 2 petites fermes. L’endroit est vraiment beau.
Je dois passer de l’autre côté de la montagne et je lance le drone pour voir s’il y a un passage praticable et éviter de grimper pour rien.
Ce que je vois au drone est tout simplement le plus beau paysage que je vais voir de tout mon voyage. Soleil couchant, herbes hautes, rivière… magnifique !
Il y a un sentier, pas simple, raide et étroit, mais faisable je pense. Donc je m’y lance.
Ça grimpe bien et en arrivant en haut, je découvre le paysage qu’il y a derrière ! C’est exactement pour ce genre de moment que ce type d’aventure est génial !
Je repère au loin une petite plage où je pourrais facilement poser la tente, en espérant que le chemin continue jusque là-bas. Je suis quasiment à 70m au-dessus de la rivière, je manque de passer par-dessus bord en filmant le sentier… on va se concentrer un peu.
J’arrive sur la plage, je fais un brin de ménage pour enlever les cailloux et morceaux de bois et j’y plante ma tente.
Fin de soirée calme. 3 jeunes pêcheurs descendant la rivière Sun Koshi en bouée viennent discuter un peu, fumer et boire un alcool fait maison. Je goutte un peu, ça a un goût de rhum fade. C’est assez étrange.
La journée a été rude, mais riche en émotion. De l’escalade, de la rencontre et des paysages incroyables. Un concentré de ce que j’aime en une journée.
L’épuisement me fait faire quelques petites hallucinations, je vois le paysage gondoler un peu, pendant une demi-heure (promis j’ai pas abusé de leur alcool).
Jour 6 - Sauvé par un camion qui fuit
Cette journée va être physique. J’ai 15km à faire avec un dénivelé positif de 400m en une fois.
Ça monte, ça descend, je fais un morceau de route bitumé qui serpente pendant 1 km. Il y’a des carcasses de voitures dans le ravin, certains ayant raté le virage…
Je trouve le pont suspendu dont j’ai besoin et je vois au loin ce que je dois grimper. Le pont est gigantesque.
J’ai le choix entre un chemin qui monte en zigzaguant pendant longtemps ou des marches qui grimpent sec, mais plus court. Je choisis le plus court. Je pense que mon cerveau n’était pas prêt à accepter la distance du chemin.
Je marche depuis 4h déjà, sous un fort soleil. Comme je suis en hauteur, je n’ai plus d’eau depuis un moment… je crève de soif et de faim. Je ne vois pas bien comment trouver de l’eau dans les 3 prochaines heures…
J’arrive tout en haut et visiblement ils élargissent un chemin pour en faire une “route”, donc il y a un camion à l’arrêt là-haut (les ouvriers arrêtent généralement de travailler entre 12h et 15h car il fait trop chaud). Je me dis que je vais me mettre à l’ombre et manger un morceau. Tant pis pour l’eau…
Je ne suis pas croyant… mais quand je vois que ce camion fuit et que ce qui s’en écoule est… de l’eau ! J’ai remercié tous les dieux qui puisse exister !
Le camion est un camion citerne qui visiblement n’est plus très étanche ! Je remplis ma gourde et la bouteille que je stérilise 2 fois chacune. Un vrai miracle !
On atteint les 35 à 38 degrés ressentis…
J’arrive sur 3 fermes (appartenant à la même famille). Personne à l’horizon donc je me pause à l’ombre derrière l’une d’elle. Un enfant me voit et 2mn après, j’ai toute la famille qui arrive, en me demandant ce que je fais ici…
Il m’apporte un grand tapis, de l’eau et même… une glace au lait ! Je ne sais pas d’où ça sort.
Le mari me force un peu à toucher la main d’un bébé, comme si j’allais porter chance de je ne sais quelle manière.
Après 45 mn, je décide de reprendre le chemin et le mari me suit avec un baluchon. Je lui ai bien fait comprendre qu’il ne pourra pas me suivre plusieurs jours. Il dit oui, mais pas sûr qu’il ait bien compris.
On s’arrête dans un village, où il y a un vendeur de boissons. Je lui paye un verre de Dew (soda vert fluo) et je lui dis que je reprends la route, il comprend, un peu déçu. Je pense qu’il voulait vraiment faire tout le voyage avec moi…
Ça cogne toujours beaucoup, donc je m’arrête sous un arbre plus loin et je vois passer des vaches avec des fermiers qui s’arrêtent aussi un peu à l’ombre. C’est calme et beau en même temps. Je vois une femme baladant son boeuf, habillé en rouge. Une scène très chouette.
Je traverse les champs pour rejoindre le bord de la rivière et poser ma tente au bord du Sun Koshi. J’y mets même un petit tapis d’herbe ce soir car les petites paillettes (poussières d’une certaine roche) dans le sable s’immiscent partout !
Jour 7 - La traversée des champs
Nuit très compliquée car complètement épuisée. Le réveil est dur.
A peine parti que les pieds souffrent déjà. Le trajet du jour n’est pas fou, je vais devoir passer par la rive opposée, car impossible à pratiquer sur le district de Ramechhap.
A 15h30, je passe par un mini village et je décide de m’arrêter là pour ce soir. Je pose ma tente sur un bout d’herbe bien vert… étonnant.
Je finis par comprendre quand un tuyau d’irrigation lâche du leste par litre sur ma tente… bon, ça arrive qu’une fois donc je vais vlaisser la tente là.
Un fermier s’assoit à côté de moi, sans rien dire et m’observe. Du coup on parle un peu et il appelle deux amis qui s’assoient et m’observe aussi. C’est assez perturbant, surtout que la journée n’a pas été simple.
Je fais ma tambouille et je sens la consternation dans leurs yeux, donc je leur fais un cours de cuisine lyophilisé. Ils sont surpris de voir un “plat” sortir de ce sachet de poussière. On dirait des enfants qui découvrent un nouveau jouet. Moment très chouette.
Ce soir c’est couscous et il n’en a jamais vu (du couscous). Alors je lui explique ce qu’il y a dedans. Je lui explique les saucisses et je m’arrête au moment de lui expliquer qu’elles sont faites avec du bœuf… soit… son animal que je vois derrière lui et qu’il balade depuis cet-après midi comme un animal de compagnie et dont il m’a dit tenir beaucoup. Du coup… je reste vague…
On se quitte, je me couche pour une bonne nuit complète.
Jour 8 - Je quitte le Sun Koshi
Si tout se passe bien, je devrais finir aujourd’hui le premier tronçon qui me séparera du Sun Koshi pour commencer à longer le Rosi Khola.
J’ouvre à peine ma tente qu’un mec est là et me parle. Je n’ai rien contre le fait de rencontrer du monde, mais si on peut attendre quelques minutes après le réveil au moins…
Il se met un peu à pleuvoir, je sors le poncho et je pars dans les champs. C’est la campagne plate, mais très pauvre. Maison abandonnée, personne… ambiance très triste.
Je m’arrête dans un petit village pour prendre un deuxième petit-déjeuner.
Quelques kilomètres plus tard, je m’abrite devant une maison et là, une vieille dame dort sur une paillasse dehors. Je ne fais pas de bruit et je reste là une bonne heure en espérant que la pluie s’arrête.
Elle se réveille et est un peu surprise même si j’essaie de lui dire avec mes yeux que tout est ok. Là on est dans le rural le plus éloigné, donc elle ne parle pas anglais voir même peu le népali. Elle m’apporte une sorte de tapis pour les fesses.
Elle s’assoit à côté de moi et se met à rouler des feuilles mortes puis les fumer… Elle semble avoir 90 ans… comme quoi…
Je reprends la route jusqu’à Nepalthok sous la pluie. C’est long, pas simple, fatigue et mal de dos…
Nepalthok est un petit village au bord de la route. Je retrouve la civilisation, les voitures et les minibus. Un petit choc qui va passer après manger un morceau.
Il pleut des trombes… Je me rends compte que ça va être comme ça un moment…
Etant à 6h de route de Katmandou, je prends la décision de remonter sur la capitale pour poser des affaires puis revenir à Nepalthok.
Jour 9 - Retour à Nepalthok
J’arrive à 11h à Nepalthok, je revois le Sun Koshi une dernière fois avant de l’avoir dans le dos. Il fait beau et plutôt bon. C’est super agréable !
Le sac est moins lourd, le moral est très bon, les pieds vont un peu mieux, j’entame cette journée euphorique.
À partir d’ici, ce sera très rural avec beaucoup de champs de culture. Du coup, je décide de longer les canaux d’irrigation des champs et remonter le plus loin possible.
Le premier chemin que je prends va s’avérer être un cul de sac, dû à un éboulement. Je descends dans la plaine, dans une sorte de labyrinthe d’herbe faisant 2m de haut. Je me repère avec la montagne qui en dépasse, pour m’éviter de me perdre.
Au bout de cette plaine, je longe la rivière et me retrouve coincé par un rocher énorme. Il y a pourtant un chemin de bestiaux qui partait/arrivait jusqu’à ce rocher. C’est qu’il doit y avoir une autre issue.
J’escalade donc le rocher et tout en haut je me rends compte qu’il y a un tracé, à l’arrache, construit avec quelques pierres. Je vais le suivre même si c’est bancale. Si les chèvres peuvent passer… je peux surement y aller.
Le sentier est horrible, une sorte de sable/terre qui s’effondre sous mes pieds. Je me rattrape par ci, par là à des branches… Il faut que je redescende au niveau de la rivière, donc on va jeter le sac en bas et essayer de dégringoler ces 3m sans trop de casse.
Je ne fais pas trop le malin, car un excès de confiance et ça peut mal finir… Je me retrouve enfin dans une plaine de ces arbres épineux horrible, je suis ouvert de partout, je pisse le sang.
La rive droite de la rivière ne débouche sur rien… je vais devoir traverser la rivière à pied. J’essaie donc de trouver un endroit pas trop profond…je tâte au bâton et je passe avec l’eau jusqu’aux genoux.
Cette plaine est entrelacée de rivière et cours d’eau et je me fais piéger à chaque fois, donc je dois régulièrement traverser la rivière à pied.
Comme ces champs sont plus accessibles, il y a plusieurs personnes qui y travaillent. En discutant avec eux de temps en temps, ils m’expliquent qu’ils sont employés par un gérant, ça n’est pas leur propre champs, contrairement au district de Ramechhap.
Le long du Sun Koshi, c’était les fermiers et leur femme (voir enfant) qui travaillaient dans leur propres champs. Car tout était bien plus reculé.
Avant d’atteindre l’endroit que je vise pour le campement de ce soir, il faut encore que j’escalade un énorme rocher blanc pour continuer le chemin. Pas simple, c’est vraiment de l’escalade sans assurance… pas de tapis si je tombe… donc on se concentre. Je dois finir en sautant sur la rive pour passer au-dessus de l’eau. Je m’élance…
Je m’éclate complètement par terre car un pied glisse au moment du décollage. La main y passe, les côtes et l’appareil photo s’en sortent tout juste…
Je reprends mon souffle, j’ai un trou dans la main… une bonne journée comme on les aime !
Un fermier accepte que je plante ma tente dans un de ces champs non cultivé, avec un peu d’herbe. Un sol d’herbe est agréable, car au bord de l’eau, le sable s’infiltre partout…
Grosse journée de 20km, mais avec un sac moins lourd ça fait vraiment du bien, j’ai pris un vrai plaisir !
Jour 10 - Les canaux du district de Sindhuli
Une nouvelle journée à remonter les canaux. L’avantage est que ça ne s’arrête jamais, donc je peux longer la montagne sur des kilomètres sans être trop embêté par des cul de sac.
Certains ne sont plus utilisés, je dois mettre des coups de machettes pour passer, car la nature reprend ses droits. À certains moments, c’est très jungle, car c’est plus humide par ici.
Après avoir escaladé un nouveau rocher (je commence à avoir l’habitude) je marche plusieurs heures avant ma pause du midi.
La fin de journée va être plutôt mouvementée. Je m’enfonce dans les champs de la rive gauche et le canal (on parle toujours de ces minis canaux de 20 cm de large et un rebord de 20cm également) grimpe un peu et je me retrouve à 20m du sol.
Sur la rive en face, un fermier me fait de grands signes pour me faire visiblement comprendre que je ne pourrais pas passer. Encore un qui se demande pourquoi je passe par là, mais au pire je contournerais l’obstacle comme je l’ai fait à chaque fois.
Je continue plusieurs minutes sur le chemin et j’arrive à un endroit où un rocher passe par-dessus le canal… en me laissant environ 60cm pour passer… je comprends ce qu’il voulait dire. Je passe en dessous sans réel problème, je trouve même ça assez marrant.
Je continue d’avancer sur le canal, qui me fait passer par des endroits très jungle. Puis là, je me retrouve devant le même cas de figure, du rocher qui passe au-dessus du canal, sauf que là… je n’ai plus que 40 cm pour passer… j’ai 20m en dessous de moi et 3h de marche si je veux faire demi tour… on va y aller en rampant… je garde le sac à dos sur le dos mais je le bascule dans le vide car il ne passera pas avec moi.
Me voilà donc à moitié dans le vide et à moitié sur le chemin et ça passe. Je ne fais pas le fier, d’ailleurs je ne le film pas tellement je suis focus sur le fait de ne pas basculer.
Ce chemin m’emmène dans une campagne complètement paumée, avec une grosse ferme et plein de champs. Magnifique.
En traversant les champs, j’arrive sur une rivière qui s’agrandit et je marche sur les gros cailloux pour longer l’eau.
Au moment de sauter sur un de ces cailloux, un sentiment me traverse la tête “tiens, je le sens pas celui la”… à peine fini de le penser que le rocher se dérobe, m’envoie jouer la truite dans la rivière. J’ai à peine le temps de tendre les bras pour les mettre au fond de la rivière pas trop profonde à cet endroit et laisser le sac en dehors de l’eau.
Me voilà sous l’eau avec le sac à l’air libre, ça dure quelques secondes et j’arrive à sortir de là. Je suis un peu dégouté car on est le soir, je suis trempé et ça va moins bien sécher.
Jour 11 - Fin de mon aventure
Cette journée sera la dernière… je vais devoir bien avancer et grimper si je veux arriver au spot final ce soir.
Pour éviter de trop marcher au bord de la route, je vais devoir passer par une grosse crête sur les hauteurs de Bhakunde à un dénivelé de 400m.
Après plusieurs kilomètres, j’attaque cette grosse montée qui va durer longtemps, longtemps, longtemps… avec quasiment aucune habitation pendant plusieurs kilomètres.
Sur la photo en dessous, on voit la crête en question au fond.
Après quelques heures, j’arrive enfin à un village où il n’y a personne, pas de quoi boire… je meurs de soif. À part une femme, assise par terre à écosser des épis de maïs.
Je lui demande si elle sait où je peux acheter du coca (un peu de sucre et de frais me ferait du bien). Elle me dit qu’elle peut me donner à boire, mais sa petite maison étant très vétuste, je ne suis pas super emballé à l’idée de boire de l’eau.
Et bien vla ti pas qu’elle ouvre ses volets et une porte et que sa cabane devient une épicerie ?! Incroyable. Et elle sort un coca d’un frigo qui tourne bien et donc bien frais !
Je mange et je fais une bonne pause d’une heure et demie.
Avant de partir et après 3 coca bien frais, je lui demande si elle a déjà fait du pop corn ? Je prends donc 4 ou 5 grains qu’elle avait devant elle et je les mets dans ma tasse que je fais chauffer au réchaud… résultat ? Ça crame… et ça ne fait… rien du tout !
Deux minutes après elle ressort de chez elle avec un petit bol de pop corn vachement joli… On éclate de rire.
On discute un peu, elle me parle du nouveau Bouddha : Ram Bahadur Bomzon. Qu’elle se reconnaît davantage en lui que dans le premier Bouddha. Elle est du culte de Maitri Bouddha qui prône l’amour et la bienveillance.
Elle m’en parle d’une façon où elle me captive, elle est très calme, claire et jolie. J’aurai adoré pouvoir discuter avec elle la journée entière !
Je reprends la route en direction du bas de la crête et la pluie tombe en trombe. Je m’abrite sous une petite cabane pendant une heure au moins. Le chemin est devenu une rivière tellement ça tombe.
Une fois calmé, je descends la colline et j’attends dans un virage qu’un bus ou un 4×4 veuille me prendre en stop. Je n’ai vraiment pas de chance… personne ne s’arrête ou il sont tous complets.
Une fille du coin vient faire aussi du stop et un gars finit finalement par s’arrêter pour la prendre et accepte de me récupérer en même temps. Pratique.
Le retour à Katmandou sera long, environ 6h alors qu’il n’y a que 23 km… la pluie et les travaux sur la route n’aident pas.
Conclusion
Ça a été une expérience folle ! Le Sun Koshi a été mon allié durant plusieurs jours.
La préparation, la tentative d’anticiper un chemin que l’on est incapable de connaitre à l’avance, le fait que personne n’y soit passé et puisse donc donner des conseils…
Les 2 premiers jours ont été la phase de test. Mon cerveau et mon corps avaient besoin de comprendre la situation dans laquelle je les avais mis. Une fois fait, que le poids du sac à dos est accepté, le chemin déroule.
J’ai rencontré très peu de personnes, car cette partie du district n’est quasiment pas habité, j’étais donc seul avec moi même. C’est ce dont j’avais envie.
Les paysages sont magnifiques, j’ai eu la chance d’avoir une très belle (trop presque) météo.
Question sécurité, j’ai plutôt une bonne étoile. Ça en fait des anecdotes maintenant car il ne s’est rien passé, mais les 3 ou 4 fois où j’ai failli déraper dans le vide m’ont mises la pression, mais ne m’ont pas freiné. Je me disais, « c’est bon, ça passe, je ferais gaffe la prochaine fois », et comme ça passe, la fois d’après je prenais 1% de risque en plus…
Le deuxième soir, quand j’ai dû faire un gros demi tour, en y repensant après ces 10 jours, je me dis que j’aurai pu passer. Descendre mes sacs avec une de mes cordes, puis descendre à la main les 10m du rocher. Ça aurait été sur la fin du séjour, je l’aurai tenté.
Difficile de dire ce que j’ai appris sur moi durant ce voyage. Le dépassement, la maitrise des émotions, se dire que nos petits problèmes du quotidien ne sont rien du tout…
Il ne reste plus qu’à préparer le prochain…
Je terminerai en mettant la photo de mon ami Népalais. Salin, 3 ans.